Plinio Corrêa de Oliveira

 

Noblesse et élites traditionnelles analogues dans les allocutions de Pie XII au Patriciat et à la Noblesse romaine

© pour cette 2ème édition française: Société Française pour la Défense de la Tradition, Famille et Propriété (TFP) 12, Avenue de Lowendal - PARIS VII

Septembre, 1995


Pour faciliter la lecture, les références aux allocutions pontificales ont été simplifiées: est désigné d'abord le sigle correspondant (voir ci-dessous), puis l'année où l'allocution a été prononcée.

PNR = Allocution au Patriciat et à la Noblesse romaine

GNP = Allocution à la Garde noble pontificale

Certains extraits des documents cités ont été soulignés en caractères gras par l'auteur.

Titre original: Nobreza e elites tradicionais análogas nas Alocuções de Pio XII ao Patriciado e à Nobreza Romana (Editora Civilização, Lisboa, 1993).

Traduit du portugais par Catherine Goyard

1ère édition française: Editions Albatros, 1993.

Cet ouvrage a aussi été publié en italien (Marzorati Editore, Milan), en espagnol (Editorial Fernando III, Madrid) et en anglais (Hamilton Press, Lanham MD, USA).


DOCUMENT VIII

 

La féodalité,

oeuvre de la famille médiévale

Dans son célèbre livre L'Ancien régime, Franz Funck-Brentano, membre de l'Institut, s'exprime ainsi sur le rôle de la famille dans la constitution de la société féodale:

«L'Ancien Régime est sorti de la société féodale. A cela nul ne contredit. Quant à la féodalité, elle a été produite, en cette époque étonnante qui s'étend du milieu de Xe au milieu du XI' siècle, par la vieille famille française transformant en institutions publiques ses institutions privées.

«Dans le courant des IX' et Xe siècles, la succession des invasions barbares, normandes, hongroises, sarrasines, avait plongé le pays dans une anarchie où toutes les institutions avaient sombré. Le paysan abandonnait ses champs dévastés pour fuir la violence; le peuple se blottissait au fond des forêts ou des landes inaccessibles, il se réfugiait sur les hautes montagnes. Les liens qui servaient à unir les habitants du pays ont été rompus; les règles coutumières ou législatives ont été brisées; la société n'est plus gouvernée par rien.

«C'est dans cette anarchie que s'accomplit le travail de reconstruction sociale, par la seule force organisée qui fût demeurée intacte, sous le seul abri que rien ne peut renverser, car il a ses fondements dans le coeur humain: la famille.

«Emmi la tourmente la famille résiste, se fortifie; elle prend plus de cohésion. Obligée de suffire à ses besoins, elle se crée les organes qui lui sont nécessaires pour le travail agricole et mécanique, pour la défense à main armée. L'Etat n'existe plus, la famille en prend la place. La vie sociale se resserre autour du foyer; aux limites de la maison et du finage se borne la vie commune; elle se borne aux murs de la maison et à son pourpris.

«Petite société, voisine, mais isolée de petites sociétés semblables qui sont constituées sur le même modèle.

«Au début de notre histoire le chef de famille rappelle le pater-familias antique. Il commande au groupe qui se presse autour de lui et porte son nom, il organise la défense commune, répartit le travail selon la capacité et les besoins de chacun. Il «règne», le mot est dans les textes, en maître absolu. Il est appelé «sire». Sa femme, la mère de famille, est appelée «dame», domina. [...]

«La famille est devenue pour l'homme une patrie et les textes latins de l'époque la désignent par ce mot patria, aimée d'une tendresse d'autant plus forte qu'elle est là, vivante et concrète, sous les yeux de chacun. Elle fait immédiatement sentir sa puissance, sa douceur aussi; solide et chère armure, protection nécessaire. Sans la famille l'homme ne pourrait subsister.

«Ainsi se sont formés les sentiments de solidarité qui unirent les uns aux autres les membres de la famille et qui, sous l'action d'une tradition souveraine, iront se développant et se précisant (1).»

(1) Franz Funk-Brentano, L’Ancien Régime, Arthème Fayard & Cie, Paris, 1926, p. 12-14.